Il a fallu attendre le mois d’août pour prendre la mesure du flux d’estivants ayant jeté leur dévolu sur les plages du littoral témouchentois. Ils sont venus de partout, même des régions réputées attractives en pareille saison comme Alger, Béjaïa, Oran ou Tlemcen, afin d’échapper à la canicule qui sévit aux quatre coins du pays. Des voitures immatriculées à Béchar, Saïda, Adrar, El-Bayadh croisent à longueur de journée d’autres véhicules en provenance de France, d’Espagne ou d’Allemagne. Les premières estimations font état du passage de près de 5 millions de visiteurs à travers les 20 plages surveillées que compte la wilaya. On aura rarement vu une telle affluence, comme en témoigne la journée du vendredi 3 août où la gendarmerie a dû intervenir pour faire rebrousser chemin aux vacanciers qui voulaient accéder à la plage de Chatt el-Hillal.
Idem à Sassel et, à un degré moindre, à Terga. Un engouement exceptionnel auquel ont fait face avec beaucoup d’abnégation les services de Police et de la Gendarmerie nationale ainsi que le corps de la Protection civile. Une déferlante humaine qui, au-delà de l’aspect économique, pose un véritable problème d’espace vital. Car, dans quelques années, si les infrastructures d’accueil demeurent en l’état, il sera très difficile de gérer la situation. D’autant que le rythme de réalisation des projets touristiques inscrits dans le cadre du développement des ZET (Zone d’extension touristique) est au point mort. Pour dire vrai, le statut de ZET de la plupart des sites côtiers, n’a pas permis à quelques initiatives de se concrétiser et de désengorger les traditionnels espaces d’accueil. Le souci de préserver l’intégrité des beaux paysages qui bordent le littoral témouchentois, s’il est louable, n’en finit cependant pas de créer des effets pernicieux.
En réservant les ZET à l’investissement de haut de gamme, c’est-à-dire à des groupes hôteliers de renom, les pouvoirs publics espéraient une rapide manifestation d’intérêt. Faute d’absorber une forte demande de loisirs alors que le potentiel naturel est immense au niveau du littoral long de 80 km, l’on aura ainsi livré les sites côtiers encore vierges à une foule d’estivants peu soucieuse pour sa part des questions d’environnement. Le rush enregistré au cours de ce mois a révélé une réalité: les plages sont saturées et exposées de plus en plus à la pollution. Le phénomène a nécessairement engendré des mesures d’appoint au plan sécuritaire et sanitaire.
Hôtels et complexes refusent la clientèle. Profitant de l’aubaine, de nombreux habitants des localités côtières ont loué une partie de leur maison ou ont carrément déménagé, le temps de fructifier au maximum le providentiel bien familial. Le «tourisme» de recasement n’est en fait qu’un avatar de la situation de crise qui caractérise le secteur. Une côte de 80 km et 20 plages faiblement pourvues en structures d’hébergement entretiennent un paradoxe semblable à celui que vit un affamé criant famine sur un tas de blé.
Hormis les complexes «Medelci» et «Bouzidi», les résidences «Benmansour» et «Madrid» implantés à Rachgoun ainsi que le complexe «Benchaâbane» situé à Terga, rares sont les hôtels qui peuvent se targuer d’un label touristique si tant est qu’il existe des critères officiels d’appréciation. Les nuitées sont facturées entre 4 000 et 6 000 dinars et un séjour d’une quinzaine de jours coûte jusqu’à 10 millions de centimes. Ce qui, à l’évidence, n’est pas à la portée de n’importe quel citoyen en mal de fraîcheur. Les complexes «Syphax» et «Enabbil» par exemple disposent de plages privées. Ils s’étalent sur des superficies assez conséquentes, de l’ordre de plusieurs hectares consentis à une époque où les instruments de planification des ZET n’existaient pas. Ils se sont agrandis au fil des ans, s’accaparant des deux extrémités de la plage. Chaque été, ils affichent complet en dépit des prix de location que seule une clientèle «select» supporte aisément. Le décalage entre l’offre et la demande a élevé au rang de «VIP» certains patrons hôteliers. Force est d’admettre qu’une préservation du littoral confinée dans une expectative contre-productive ne peut s’accommoder trop longtemps d’une pression en terme de population touristique, car il est patent aujourd’hui que les plages du Témouchentois versent, en période de vacances, sans un état proche de la promiscuité contraire à l’idée que l’on se fait généralement de lieux censés incarner la quiétude et le farniente.
source: Echo-Oran