Les malades, surtout ceux que la médecine a du mal à soigner, sont désormais ciblés par les adeptes de la «Hidjama» et de la «Rokia», dénoncées par ailleurs par le conseil de l’ordre des Médecins, au moment où la «Âkda» occupe une place de choix au sein de la gent féminine en mal de rondeurs et/ou de guérison. Il est devenu de notoriété publique que la médecine, telle qu’elle est pratiquée en Algérie, est devenue de moins en moins crédible aux yeux des patients de plus en plus mal soignés, ce qui laisse la place à toutes les dérives, comme la Hidjama, la Rokia et la «ÂKDA». A l’origine, la consommation de ce mélange pâteux dont le secret a été emporté par nos grands-mères, permettait de donner plus de rondeurs aux corps de leurs petites-filles en mal de prétendants, qui n’hésitaient pas à en consommer, par doses homéopathiques, jusqu’à ce qu’elles commencent à attirer les regards d’éventuelles belles-mères dans les salles chaudes des hammams de la ville.
Ce procédé est de plus en plus utilisé par la population féminine témouchentoise, à tel point que la plupart des marchands d’épices, des herboristes et même les marchands du temple, spécialisés dans les articles liés à la pratique de la prière (Misk, Âbaya…), se sont transformés en spécialistes de la «Âkda». On dit que cette pâte est faite à base de miel, auquel on associe d’autres ingrédients produits en Algérie et d’autres amenés de l’étranger et dont la composition n’est pas affichée. Autrement dit, un délit en matière de règles de la commercialisation, puisque la DCP ne semble pas en avoir saisi le message.
Dans les premiers temps, cette pâte était ramenée dans les bagages des Hadjis revenus de la Mecque, avant que des opportunistes ne se saisissent de l’aubaine et ne l’importent directement d’Arabie Saoudite voire de l’Egypte. Et c’est là où chaque médaille ayant son revers, ce créneau a vite fait d’être occupé par les producteurs locaux, certains n’hésitant pas à utiliser des ingrédients non conformes à la vocation initiale du produit fini, ce qui mène tout droit au délit de la contrefaçon et à toutes ses conséquences néfastes sur la santé du gogo non averti. Néanmoins, la demande reste très importante, d’autant que certains pseudo guérisseurs lui prêteraient même le pouvoir de traiter entre autres maladies, ni plus ni moins que le cancer, alors que d’autres se contentent d’en vendre à titre de fortifiant. Les prescripteurs des différentes variétés de ÂKDA, et il y en a, vont jusqu’à conseiller à leurs naïfs clients, de ne plus consulter de médecin durant toute la période du traitement qu’ils leurs prescrivent, en prétendant qu’elle peut soigner toutes les maladies, sans leur indiquer la moindre contre-indication, contrairement au prix qui peut flirter lui, avec les 10.000,00Da. Finalement, à y bien réfléchir, ces dérives nous emmènent en plein délire, d’autant que le phénomène prend de l’ampleur, au fur et à mesure que la médecine moderne montre de plus en plus ses limites. Sachant que la nature a horreur du vide, les pseudo guérisseurs ont vite fait d’occuper le créneau, en profitant de l’ignorance ou de la crédulité des malades ou de leurs proches parents.
Selon le Dr Sahli, vice-président de l’association d’aide aux malades cancéreux d’Ain Temouchent, une patiente lui a avoué, qu’elle consommait une ÂKDA que lui aurait prescrit un herboriste d’Alger, pour traiter… son cancer. Le plus étonnant, c’est qu’il a constaté une «amélioration» apparente chez la patiente, «mais rien ne confirme sa guérison interne, a-t-il remarqué, tant que les analyses ne l’auront pas confirmée.» Par contre, les pharmaciens sont vraiment inquiets devant la facilité avec laquelle cette ÂKDA est écoulée sur le marché, sans aucun souci des effets sur l’individu et sur la société. Néanmoins, la protection sanitaire de la société reste l’affaire de l’Etat, car la prolifération de ces croyances mène tout droit au labyrinthe du charlatanisme, germe de l’obscurantisme, dont notre société a déjà bien du mal à se dépêtrer.
Source: Voix-Oranie