Après les estimations des experts remettant en cause celles du gouvernement à propos de la récolte des céréales pour la saison actuelle, c’est au tour des producteurs eux-mêmes de contester l’autosatisfaction officielle laissant croire que, pour la première fois depuis des lustres, l’autosuffisance en blé ne serait plus un but éloigné. Ainsi, les agriculteurs de la wilaya de Témouchent ont fait savoir que, selon leurs propres estimations, la récolte de cette année, livrée aux coopératives de stockage par les producteurs, n’excéderait pas la moitié des quantités annoncées par les services de l’agriculture ! Tandis que les spécialistes nationaux pensent que les statistiques doivent être «prises avec des pincettes» parce que surestimées d’au moins 30%. S’il faut sans doute saluer de manière symbolique la première exportation d’orge vers la France depuis quarante ans, la réalité est sans conteste en décalage avec les statistiques officielles qui cachent mal une situation déjà tendue en matière de consommation de céréales. Là aussi, les enquêtes, pour l’instant inexistantes, menées auprès des Algériens, révéleraient peut-être d’amères vérités. Sinon comment expliquer la baisse des importations de céréales, constatée ces dernières années, si ce n’est par une baisse de la consommation au détail visible au quotidien des citoyens. A la base, cette situation serait donc due à une paupérisation accrue et une baisse de leur pouvoir d’achat.
Les fellahs de Aïn Témouchent ont donc toutes les raisons de dénoncer une manipulation qui veut dissimuler le marasme dans lequel évoluent les céréaliers à travers le pays qui continuera bon an, mal an à importer encore du blé dur et du maïs, même si l’objectif reste toujours la réduction de la «dépendance» vis-à-vis de l’étranger.
Les répercussions pour les consommateurs algériens devraient être encore plus aiguës, plus difficiles dans les jours qui viennent, puisque les prix déjà en hausse à l’importation devraient se poursuivre, conjugués à une réduction drastique des quantités de céréales mises sur les marchés internationaux. Les grand pays producteurs et traditionnellement exportateurs ont d’ores et déjà pris des mesures de suspension des exportations à l’instar de la Russie ou de l’Ukraine, face à la sécheresse qui les a durement affectés. Tandis que la demande va augmenter cette année, suite aux inondations qui ont touché plusieurs régions du globe, sérieusement confrontées au risque de famine. Il sera alors difficile pour l’Etat algérien de ne pas tenir compte de tous ces facteurs et faire en sorte que les prix au détail restent à la portée des modestes bourses. Une fois encore, les palliatifs devront être pris pour parer l’urgence, alors que depuis plus de quarante ans, l’objectif de l’autosuffisance reste plus que jamais une priorité qui n’a pas concentré tous les efforts voulus de la part de l’Etat.
Source : El-Watan